Albert Baldauf



Je l’ai rencontré chez lui, à Plaine, dans la charmante maison de sa fille Marthe. Installés sur la terrasse dans un cadre champêtre, nous avons passé une bonne heure ensemble. « Albert, vous voilà définitivement retraité : je viens vous écouter pour vous présenter aux lecteurs du bulletin, racontez-moi votre vie

Et Albert se mit à parler... longuement, avec le moins possible de pauses, s’esclaffant parfois (Ah les Feldgrau ! les Ivan ! les Yankees)... C’est une longue narration de son temps de guerre. J’essaie de ne pas l’interrompre, je prends plusieurs pages de notes. La guerre, ce fut le sujet majeur : entre juillet 1944 et mai 1945, soit dix mois, une épreuve qui a visiblement marqué le jeune homme d’alors, il a 17/18 ans.


Avant elle, quelques discrètes évocations de sa jeunesse passée au boulevard Wilson, fils unique d’un père agent de chemin de fer, petit-fils d’un grand-père paternel cheminot et d’un grand-père maternel marchand ambulant (bonneterie, mercerie, chapeaux de paille...) « Il m’emmenait sur les marchés et les foires, j’étais heureux et gâté, on m'offrait de beaux jouets"

En 1939, évacuation à Lunéville chez une tante, pendant que le père est envoyé à Noisy-le-Sec ; impossible de passer le certificat d’études ; retour en juillet 1940, il entre à la Mittelschuel (école de l’Ill). En mars 1942, il est engagé au chemin de fer et passe différentes épreuves : vente de billets, garde-barrière, sécurité, mais pas de sténo (il refuse). Il obtient un poste d’élève de bureau à Lingolsheim et se met à apprendre l'alphabet morse


6 Juillet 1944 : il est appelé au RAD (Reichsarbeitsdienst) à Colmar. « Nous devions approvisionner en bois de châtaignier les gazogènes à Kaysersberg », puis service paramilitaire à Belfort, avec comme arme la bêche. « Nous voulions déserter en Suisse, mais les douaniers nous ont refoulés et très vite les redoutables Kettenhunde nous ont arrêtés et menacés ». 


Rappelé en octobre à Lingolsheim pour remplacer un appelé, il reçoit le 8 novembre son ordre d’incorporation dans les SS : uniforme noir remis à la Feldherrenhalle à Munich et après le déblaiement des ruines des bombardements de la ville, il combat dans la division « Prinz Eugen » dans les Balkans, Udine, Trieste, Brod, Zagreb... La terrible guerre des partisans en Croatie fut dure : il devait ramasser les blessés et les morts. Albert échappera au tribunal militaire pour désobéissance, mais le 16 avril 1944, il sera blessé à la mâchoire, opéré à l’hôpital militaire de Brod et transporté à 

(Zell am See en Autriche)

Retour à Lingolsheim le 24 mai 1945. Il a à peine 18 ans La vie normale reprend : service militaire français à Vieux-Brisach, carrière de cheminot, mariage en 1953, retraite en 1982, engagement paroissial (combien d’enterrements a-t-il suivis comme sacristain ?), engagement à Waldersbach (comme « simple manœuvre, je ne sais pas bricoler » !), engagement auprès de ses anciens camarades (il préside l’Association des anciens Combattants cheminots et anciens Prisonniers de guerre, district de Strasbourg)

Merci Albert, pour la fidélité de vos engagements. Tous nos vœux d’heureuse retraite !


Jean Haubenestel