Prédication du 1er février 2015

Texte : Matthieu 20/ 1-16


Thème : Mérite et Grâce


Chers amis,


Frères et sœurs en Jésus-Christ,


Aujourd’hui est un jour important puisque c’est un jour d’élection en notre Eglise – et 


donc aussi en notre paroisse -, élections au Conseil presbytéral.


Cette élection a lieu tous les trois ans, puisque le Conseil est renouvelable par moitié 


tous les trois ans. 


Dix personnes constituent notre conseil presbytéral qui se réunit une fois par mois. 


Pour être électeur et a fortiori conseillers, il faut être baptisé, avoir plus de 18 ans et 


être membre de notre paroisse depuis plus de six mois. En outre, pour les paroisses 


de Strasbourg, il faut habiter dans la CUS.


Deux conditions peuvent être jointes naturellement : aimer l’évangile du Christ sans 


avoir crainte de témoigner et être disponible pour s’inscrire dans la dynamique d’une 


communauté vivante et fraternelle.


Avec le pasteur, le Conseil a une responsabilité spirituelle ; il a aussi une 


responsabilité de gestion pour la bonne marche de notre paroisse. Pour faire une 


bonne équipe, il faut des gens aguerris et chevronnés et il faut des nouveaux. 


Je suis heureux que des personnes nouvelles viennent compléter l’équipe existante. 


Et simultanément d’exprime mes remerciements à Jean et à André qui achèvent 


leurs mandats. Ce n’est qu’un au-revoir, nous saurons encore faire appel à eux, pour 


la rénovation de l’église saint-Paul ou pour les activités paroissiales.


A la faveur des élections, Dieu en quelque sort embauche dans sa vigne, si l’on 


considère l’Eglise comme la vigne du Seigneur.


Toute proportion gardée, c’est un peu de cela que nous parle l’évangile de ce jour.


Ce récit de l’évangile qui nous guidera dans la méditation aujourd’hui, celui des 


ouvriers de la onzième heure. Replaçons les choses dans leur époque.


L’accent porte sur la liberté et l’autorité souveraines du maître de la vigne. Dans 


la Palestine du temps de Jésus et des apôtres, une scène pareille, montrant un 


propriétaire embauchant des ouvriers agricoles à l’heure ou à la journée, devait être 


fréquente. Le pays traversait une grave crise économique et le peuple des ouvriers 


des campagnes, journaliers ou petits propriétaires ruinés, s’était multiplié. Il était 


d’usage qu’on loue ses services à l’heure ou à la journée en allant sur la place des 


villages ou à la sortie des villages pour attendre les offres éventuelles.


Je pense que ce qui s’apparente le plus aujourd’hui à la situation décrite ici est celle 


des saisonniers, qui travaillent dans les exploitations agricoles, pour les récoltes, 


pour les fruits ou pour les vendanges.


Jésus prend donc un exemple de la vie courante, même si cet exemple est 


aujourd’hui en décalage par rapport à notre monde. Le rapport au travail a changé, 


la nature des tâches a changé et le travail est moins à l’ordre du jour que le 


chômage. Ceci est régi par un droit du travail qui n’avait pas cours alors. (Et même la 


sémantique puisque, par ailleurs, on ne parle plus d’ouvriers mais de collaborateurs). 


Il nous faut donc regarder de près cette histoire et savoir en tirer toute la leçon.


La question porte premièrement sur le montant de la rémunération : soit 1 denier (Le 


denier était une monnaie romaine). Ce montant était le salaire normal d’une journée 


de travail. Chacun peut le convertir pour lui-même. Sur cette base, le maître passe 


un accord avec les ouvriers : il n’impose pas son prix ; il prend grand soin d’obtenir 


l’accord avant toute mise en œuvre d’activité.


Ces versets n’insistent pas sur la bonté du maître envers ces personnes qui se 


louent à la journée, mais sur l’initiative souveraine d’un propriétaire assez riche pour 


engager beaucoup d’ouvriers à qui, il promet un juste salaire. On n’est pas dans un 


contexte d’exploitation, comme on peut le dire en Inde du travail des enfants par 


exemple.


Et l’on voit que cette justice s’accomplit jusqu’à son terme dans un geste de bonté 


assez particulier.


L’accent du récit porte sur les ouvriers engagés à la dernière heure : le dialogue 


qu’ils ont avec le maître fait ressortir que personne ne prend plus garde à eux ; à 


cette heure tardive, personne n’espère plus même être embauché. La onzième 


heure correspond à 17h. 


Il y a dans notre texte une allusion à peine voilée à la fin de la journée, qui apparait 


dans plusieurs textes comme l’heure du jugement.


Le propriétaire ordonne au contremaître de donner à chacun son salaire.ET celui-

ci commence par les derniers ouvriers engagés ; le récit, on le voit bien, est construit 


de manière à rendre vraisemblable les murmures des autres ouvriers, qui venant 


après les premiers pourront constater l’anomalie de la bonté –ou de l’injustice- du 


maître à leur égard. 


Ce n’est qu’en voyant les derniers ouvriers recevoir leur salaire que ceux de la 


première heure s’attendent à recevoir plus qu’eux. Cela paraît d’ailleurs logique. 


Alors où est le « bogue » ?


L’attitude du propriétaire est perçue comme une injustice. D’où le murmure qui 


s’élève. Et c’est parfois aussi le nôtre lorsque nous nous disons que nous avons 


toujours été fidèles et qu’une équitable rétribution est injuste. Ce murmure, nous le 


retrouvons dans la parabole du Fils prodigue, lorsque le fils aîné ne comprend pas la 


générosité du père. 


La grâce de Dieu nous ouvre à une autre compréhension, une autre justice, à un 


monde plus spirituel régit par d’autres logiques que les logiques de concurrences et 


de rétribution au mérite. Et pour le comprendre il nous faut faire un pas de côté.


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Le texte de l’évangile de Matthieu de ce jour s’inscrit dans un ensemble qui est 


marqué par la polémique de Jésus et des pharisiens.


La société juive de l’époque était divisée en plusieurs catégories, de fonctionnaires, 


de religieux, de citoyens urbains et de personnes du monde rural.


Cette société était également parcourue par des débats importants entre groupes 


religieux divers qui avaient pour noms : pharisiens, sadducéens et zélotes. Les 


zélotes étaient des radicaux, opposés à l’occupation romaine sur la terre biblique. 


Les sadducéens croyaient à la résurrection , contrairement aux pharisiens –très bien 


formés- qui n’y croyaient pas.


Les pharisiens s’estiment être les premiers. Ils ont l’arrogance de ceux qui croient 


savoir, de ceux qui sont mieux formés que d’autres. Dans la réalité, les pharisiens 


n’ont pas tout-à-fait tort et l’on sait que Paul lui-même, pharisien zêlé, avait été formé 


par l’un des grands maîtres du judaïsme de cette époque Gamaliel. Les pharisiens 


étaient fiers de leur savoir, de leur culture, et de leur fidélité à la loi.


De même, dans l’histoire de la révélation biblique, il y a deux étapes : la première qui 


est alliance avec le peuple d’Israël ce dont témoigne l’ancien testament ; la seconde 


qui est naissance de l’Eglise chrétienne et rédaction du Nouveau testament comme 


une deuxième alliance.


Notre texte, écrit dans l’évangile de Matthieu une trentaine d’années après la 


résurrection du Christ, rend compte des tensions entre la communauté juive et la 


première Eglise chrétienne. L’évangile nous dit : les derniers venus dans la foi en 


Jésus– en particulier les païens de l’Empire romain- sont au bénéfice de la même 


rétribution que les juifs appelés depuis Abraham.


Il n’y aura pas de différence au jour du jugement : tous recevront la même rétribution, 


parce qu’une grâce a été faite, au seul prix de la croix. Il n’y a pas d’antériorité dans 


l’amour de Dieu : tous sont aimés de lui également.


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J’ai parlé de « murmures » ; cela nous arrive aussi parfois. Et l’orgueil ne touche pas 


que les autres. Nous avons tous été formés pour être les premiers et nous en tirons 


quelque fierté. Ceci porte par exemple, en Eglise, sur nos traditions historiques, 


luthériennes ou réformées. Nés en 1517 avec la révolte de Luther, nous avons 


quelque peine à nous situer par rapport à des Eglises plus récentes, que nous 


regardons un peu de haut.


L’enseignement de Jésus attire l’attention sur l’orgueil que nous pouvons en tirer. Et 


sur les surprises que nous pourrions avoir à découvrir que l’amour de Dieu s’exprime 


pour tous de façon équivalente. 


L’enseignement de Jésus ouvre le monde à un renversement de situation autour du 


thème de la grâce : ici, c’est la générosité inattendue du maître de la vigne à l’égard 


des derniers ouvriers qui renverse la situation. Si les premiers ouvriers s’étaient aussi 


réjouis de cette générosité royale, tous les ouvriers auraient été ensemble au premier 


rang ; ce sont les murmures de jalousie qui les relèguent derrière.


Il nous faut nous réjouir de ce que Dieu accueille chacun nouvellement et 


équitablement, les plus anciens comme les plus jeunes, les plus chevronnés comme 


ceux qui rejoignent l’Eglise, ceux qui sont chargés de responsabilité et ceux qui 


aspirent à en prendre.


Je terminerai avec un regard un peu complémentaire, plus social, sur ce texte, celui 


d’un écrivain du nom d’Isabelle Rivière, sœur de l’auteur du « Grand Meaulnes » 


Alain Fournier : elle insiste sur les ouvriers de la dernière heure en les assimilant 


à des loosers, des perdants, des bons à rien, dont personne ne veut – et qui sont 


toujours derniers-. Et elle ajoute : ceux qui sont bon(s) à rien (les derniers ) pour le 


monde sont toujours bon pour le Seigneur. « Ils peuvent toujours venir vers Lui, ceux 


qui ne sont pas doués, ceux qui n’ont pas su quoi faire de leurs dons ». Et même s’il 


nous arrive de nous reconnaître dans ceux-là, Il nous veut, -lui Dieu- il nous désire, il 


nous cherche. A toute heure du jour, il sort pour se mettre en quête des laissés pour 


compte et comme aux jours de maraude, il se penche inlassablement vers tout ce 


qui se laisse rejoindre par son amour. Il y a toujours un retour possible, même pour 


ceux qui ont chuté, même pour ceux qui sont restés sur le bord de la route. Dieu 


embauche à sa vigne et tous les postes sont à pourvoir. Il y a de la place pour tout 


le monde. En Dieu, personne jamais, n’arrive en surnombre, puisque la place est 


infinie. »


A Dieu seul soit la gloire.


Amen.